Sally Nyolo fait officiellement son entrée dans le cercle des auteurs de la littérature africaine,
Ses recueils de chantefables, sous la forme d’une collection transmédia, sont constitués de livres illustrés (édités en français et en anglais), également mis en musiques et en films par ses soins. Ils ont reçu le Grand Prix Sacem “Jeunes publics”.

Voilà des années que cela était devenu inévitable, tant cette artiste multicarte est une narratrice d’exception, une conteuse dans la plus pure tradition du mvet fang-beti dont elle a d’ailleurs appris à manier l’instrument. Chez elle, l’épopée fait partie des évidences, toute sa mécanique créatrice en est imprégnée. C’est simple, quand Sally Nyolo ne fait pas jaillir la musique d’une belle histoire, elle insère des récits épiques dans ses chansons. Cette fois-ci, pour notre plus grand plaisir, elle a décidé de faire les deux.
En éditant la collection « Un soir au coin du feu », Sally Nyolo gambade en terrain familier, même si ce genre littéraire est généralement peu usité chez les auteurs contemporains. Les travaux de Martin Samuel Eno Belinga ont contribué à conforter, non seulement l’africanité de la chantefable, mais aussi la forte implication des femmes dans cette expression littéraire. Dans son ouvrage « Découverte des chantefables beti-bulu-fang du Cameroun » (Paris, Klincksieck, 1970, p. 192), l’universitaire camerounais note qu’il ne s’agit pas d’un « genre ésotérique ou réservé aux femmes puisqu’on produit les chantefables la nuit devant ou même dans la maison des hommes : tout se passe comme si cette littérature servait aux femmes pour s’affirmer, face au public masculin, comme membres équivalents du corps social ».

Pour sa part, Sally Nyolo insiste moins sur l’affirmation féministe que sur la notion de partage. « En lisant ces textes, ceux qui ont vécu les soirées de conte autour du feu, auront le sentiment de s’y reconnaître et voudront spontanément les chanter. Pour ceux qui découvrent, le but du recueil est d’ouvrir à la beauté de cette littérature orale », écrit-elle en prologue.
Pour ce qui est de la forme, on distingue une partie dite parlée, en introduction, qui permet de mémoriser les éléments principaux du récit. S’ensuit une partie chantée où l’auditoire est invité à répéter un mot ou une expression qui donne le rythme de la narration. D’où les titres « Tsali Tsa », « Naniyé », « Celbeng » et « Milang » tirés d’onomatopées accompagnant l’intrigue de plusieurs récits des recueils.
Dans les histoires de ces différents recueils, certains mettent en scène des figures animalières ou végétales, qui prêtent leurs traits à la transmission de vérités utiles aux humains : le poisson-chat et le crabe pour l’importance de veiller sur son frère ; l’animal Odjama dans « Kangali » pour la botte secrète du combattant avisé ; la calebasse et l’antilope pour dire que rien ne sert de courir, il faut partir à point ; le joueur de tambour pour minimiser le handicap face au talent ; le gorille et le bébé, ou comment la ruse peut aisément surpasser la force brute.

Dans d’autres fables on a des protagonistes exclusivement humains se débattant dans des intrigues parfois cruelles : « L’orphelin », « Les deux sœurs » (qui n’est pas sans rappeler la chanson « Ngoni Ngueng »), « Le gourmand têtu », « L’arbre et les prétendants », « Les sept sœurs et le bal ». Une galerie de personnages colorés dans « des univers fantastiques, fantasmagoriques, des situations de forêt, des relations de village, des ambiances de rêve », qu’il vaut mieux découvrir en tournant les pages comme autant de pas en arrière pour redevenir un enfant.
Les livres, illustrés aux couleurs chatoyantes, rendent vivants cet imaginaire de personnages et d’ambiances traditionnelles figurées sous un trait fin et moderne. Les parties chantées des chantefables, en langues nationales, y sont traduites.
« Un soir au coin du feu », ce sont aussi des séries de vidéos de ces mêmes chantefables, filmées dans des univers naturels et des décors oniriques, où Sally Nyolo incarne naturellement la conteuse. La collection prend enfin la forme d’albums musicaux, dans lequel l’univers musical des chantefables. C’est un voyage inédit et exceptionnel à travers le conte, la littérature et la musique.
La collection « Un soir au coin du feu » a reçu le Grand Prix SACEM “jeunes publics”, en novembre 2024.